Acteur historique de la Cie Quai Ouest à Saint-Brieuc, Ludovic Plestan se mue parfois en comédien de l’ombre. Depuis 2014, il mène une carrière de doubleur. En donnant vie, par sa seule voix, à des personnages de films ou de séries
Le choix d’une carrière ou la naissance d’une vocation se jouent parfois à des détails. Pour Ludovic Plestan, il y a d’abord eu « Le Jeu de l’amour et du hasard », pièce de Marivaux, vue lorsqu’il
était en primaire et qui lui a donné envie de monter sur scène. « À neuf ans, je me suis senti vivant, exister ». Et puis, à l’adolescence, c’est par le Muppet Show qu’il découvre le doublage. « À la télé, j’étais tombé sur une émission racontant les coulisses. Quand j’ai vu les doubleurs qui s’amusaient en travaillant, je me suis dit que je voulais en faire mon métier ».
Le doublage, c’est un véritable
métier de comédien
Aujourd’hui, le pari est tenu. Le Normand de naissance, l’un des piliers de la Cie Quai Ouest créée en 1998 à Saint-Brieuc, est aussi doubleur professionnel depuis 2014. « Aujourd’hui, dans ma
carrière, l’un ne va pas sans l’autre. Le doublage est complémentaire de ce que je fais sur scène car c’est un véritable métier de comédien ».
Séries, films, télénovelas, tutoriels…
Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter
modifier sa voix. D’une tessiture de baryton-Martin, à mi-chemin
entre le baryton et le ténor, il monte ou descend en gamme. Le
résultat est bluffant. Loin des imitateurs comme Nicolas Canteloup
ou Laurent Gerra, le Briochin semble changer de personnalité au
fil des transformations d’intonations. « Lorsque l’on double, on est
obligé de s’adapter à l’attitude et au comportement du
personnage sans se préoccuper de l’acteur qui joue le rôle. Il faut
avoir un œil sur le texte tout en restant attentif à la scène qui se
joue ». Le tout en trois ou quatre prises. Pas plus.
Depuis six ans, c’est donc dans des peaux et des rôles multiples qu’il se glisse, enfermé dans les studios d’AGM Factory, à Rennes. « La première fois, j’ai posé ma voix sur un documentaire
qui traitait de la renaissance de la culture maorie en Nouvelle-Zélande », se rappelle-t-il. Cet été, il a doublé le deuxième rôle masculin d’une télénovelas mexicaine, « Sortilegio ». Ludovic Plestan a aussi joué le chat dans la série animée « Dans la toile », diffusée sur TV5 Monde. Sans oublier divers petits rôles dans des films aux sorties nationales ou bien encore des émissions de téléachat. Ludovic Plestan a même travaillé pour Airbus. « J’incarnais les tutoriels techniques pour les mécanos ! »,
s’amuse-t-il.
Autant d’expériences qui continuent à forger sa vie de comédien. « Le doublage est complémentaire du théâtre mais, en même temps, très différent », reconnaît-il. « Sur les planches, il faut une
voix claire, portée, articulée. Une voix très travaillée qui est l’antithèse de ce qu’on nous demande en studio. Là, il faut être le plus naturel possible ».
Nous sommes des comédiens de
l’ombre. Mais notre rôle est
essentiel
Ce naturel, Ludovic Plestan a dû le refaire sien au fil de ses formations. Le comédien briochin a appris au contact de grandes voix du doublage français : Sylvie Feit, la voix d’Ornella Muti pendant 20 ans, où bien encore Danièle Hazan, notamment connue pour avoir prêté sa voix à la maîtresse de Titeuf. « C’est la superstar du doublage en France », vante le comédien. Qui se forme à différents supports, à lire une bande rythmo. « Ce n’est pas une partition mais c’est tout comme. Il y a tout un tas de petits détails à rendre. Une respiration haute et une respiration basse, par exemple, ne font pas passer les mêmes émotions ».
Toujours au générique
Un véritable travail d’acteur, loin des projecteurs. « C’est vrai que nous sommes des comédiens de l’ombre. Mais notre rôle est essentiel ». C’est pourquoi les doubleurs figurent toujours au
générique d’un film ou d’une série. « Mais à la vitesse à laquelle les télés font défiler les noms, il faut mettre pause pour avoir le temps de les lire », ironise-t-il. À 44 ans, Ludovic Plestan n’imaginerait pas sa vie sans le théâtre. Désormais, il ne l’imagine pas, non plus, sans le doublage. « Quand tu doubles, tu rends compte d’une vie par le seul biais de ta voix. Et ça, c’est magnifique ».
source : article du télégramme par Julien Molla